Coronavirus et les vins d’Afrique du Sud : Tertius Boshoff du Domaine Stellenrust

Voici un article très instructif en lien avec le COVID 19 et la situation sud-africaine. Tertius Boshoff de Stellenrust répond à une interview du Wine Mag… Une occasion de mieux comprendre le contexte viticole en Afrique du sud.

Publié le 19 mai 2020 – Winemag.co.za – Christian Eedes

La conversation actuelle sur le Coronavirus et ses effets sur l’industrie viticole sud-africaine est inévitablement très chargée d’émotion.

Nous avons posé la même série de questions à divers acteurs du secteur afin de mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain et de tracer la voie à suivre. Voici la réponse de Tertius Boshoff de Stellenrust :

Quel a été l’impact de la crise du coronavirus sur votre entreprise ?

En toute honnêteté, elle a essentiellement mis à l’arrêt notre activité. Nous n’avions même pas fini les vendanges quand ils ont annoncé la première semaine de confinement et nous avons dû attendre la permission de continuer. Venant d’un milieu médical, je comprends parfaitement la gravité de ce virus et son effet potentiellement dévastateur sur l’Afrique du Sud ; surtout au vu de notre secteur de santé publique et de la réalité socio-économique du chômage et de la pauvreté.

Pourtant, certaines des décisions gouvernementales n’étaient pas vraiment bien pensées et leur mise en œuvre avait peu à voir avec le ralentissement de la propagation. Par exemple, le blocage des exportations pendant environ deux semaines nous a coûté à peu près 12 000 bouteilles de Chenin Blanc déjà vendues au monopole finlandais Alko. En outre, dans tout contexte de monopole et de vente au détail dans l’UE ou au Royaume-Uni, la présence en permanence de votre produit sur les rayons est déterminée par les performances basées sur les ventes annuelles. Vous voyez où je veux en venir ? Cette baisse des ventes de 12 000 bouteilles va avoir un effet à long terme. Il s’agit d’un effet boule de neige qui touche l’industrie viticole sud-africaine bien plus profondément… les conséquences sont encore à venir.

Combien d’exploitations viticoles prévoyez-vous de voir disparaître en raison de la pandémie ? Quel avenir pour les viticulteurs ?

Il semble que tous les acteurs du secteur s’efforcent de mettre le vin en vrac sur le marché le plus rapidement possible. Cette semaine, j’ai reçu un mail d’un négociant en vins, avec une liste de vins disponibles à des prix assez élevés, mais le mail disait que les viticulteurs devraient attendre, car les prix ne resteront pas aussi élevés. Et c’est exactement là que le Covid-19 est en train de créer notre infection secondaire du commerce du vin. Je pense que pour survivre, ils vont devoir baisser les prix ou faire des offres promotionnelles – à la fois au niveau du vrac et de la bouteille – juste pour faire circuler le vin pour QUELQUE revenu que ce soit. Il est normal que tout le monde veuille survivre, du producteur à l’embouteilleur, mais l’industrie viticole sud-africaine (en particulier les organisations de WOSA et Vinpro) a fait un excellent travail ces dernières années pour améliorer les prix et le statut du vin sud-africain. Seulement 13% des producteurs en Afrique du Sud sont rentables, résultat d’un héritage déplorable de rabais et de sous-évaluation du produit.

Quels sont vos plans pour se remettre en marche une fois que les restrictions seront assouplies ? En quoi les affaires seront-elles différentes ?

Comme tout le monde, nous nous orientons actuellement vers la vente en ligne et utilisons plus de points de vente que seulement notre propre boutique en ligne pour atteindre les clients. En fait, nous utilisons le plus grand nombre possible de voies d’accès au marché ! Les études de marché faites pendant les récessions ont montrées que la plupart des gens sont généralement moins enclin à acheter des grands vins et boivent ce qu’ils peuvent se permettre. Nous sommes sur le point de connaître la plus grande récession au monde depuis 2008, qui rivalisera probablement avec celle des années 1930. Heureusement, notre gamme de produits comprend des vins d’entrée de gamme et des vins de réserve, dans un portefeuille de plus de 30 références. C’est pour cela que nous réduisons également la gamme pour nous concentrer uniquement sur les vins qui tournent sur des volumes plus importants mais qui paient quand même les factures. Vous ne pouvez parier que sur votre cheval le plus fort pour gagner le derby, n’est-ce pas ? Notre objectif principal est désormais d’atteindre les clients par un marketing plus direct – le B2C est le nouveau B2B et nous avons pour mission de personnifier la marque à travers une approche de vente au détail et de ventes directes aux clients.

À quoi ressemblera le paysage viticole sud-africain après la pandémie ? L’industrie se redressera-t-elle rapidement ou sera-t-elle modifiée à jamais ?

Confucius a apparemment dit : « Seuls les hommes les plus sages et les plus stupides ne changent jamais ». Il n’y a aucun doute que l’industrie du vin changera, mais est-ce que ce sera pour le mieux ou pas ? Cette question reste à répondre. Avec un nombre déjà important de viticulteurs et de marques de vin en difficulté, il est inévitable que cette pandémie provoque des dommages collatéraux. Le paysage va changer. Le commerce de détail et la vente en ligne seront rois dans un avenir proche/court-terme et l’argent liquide sera sa reine. Les nouveaux développements et plantations devront être financés par des capitaux et non par des dettes. Aussi cruel que cela puisse paraître, ce sera une situation de survie des plus forts et peut-être des plus faibles.

Et que Dieu nous bénisse tous comme il a béni Stellenrust!

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